Messieurs Kamel DAOUD et Boualem SANSAL, pour ne citer que ces écrivains algériens qui font l’actualité ces derniers temps, les deux ont connu et vécu la triste guerre civile de l’Algérie des années 90, qu’ils relatent, à leur manière, dans un grand nombre de leurs ouvrages, sur les plateaux de télévision, dans des journaux ou sur les réseaux sociaux.
Il est clair qu’ils contribuent tous deux, comme bien d’autres originaires de leur propre pays, motivés par diverses raisons, tel l’intérêt personnel, un confort matériel offert par la France, notamment l’acquisition d’une nationalité, un lieu de résidence et des finances souvent proportionnelles à leurs déclarations et écrits visant à stigmatiser l’islam, le terrorisme et leur propre nation d’origine.
Voici l’un des aspects clés que leurs partisans ont soigneusement dissimulés : ces deux auteurs ont toujours critiqué le pouvoir algérien, parfois de manière diffamatoire, tout en résidant en Algérie sans être inquiétés par les autorités jusqu’en 2016 pour Kamel DAOUD et jusqu’à la fin de l’année 2024 pour son collègue Boualem SANSAL.
Cette hostilité entretenue contre l’Algérie depuis la France, alimentée par l’extrême droite ou la droite traditionnelle, sert leurs intérêts en attisant les tensions dans les communautés qui cherchent de plus en plus à se distancer d’un passé révolu d’une Algérie française.
Le problème, particulièrement pour ces deux écrivains, dont j’approuve la qualité littéraire, c’est qu’ils ont sciemment occulté les vraies raisons de la naissance de l’islamisme et du terrorisme en Algérie pour adopter le narratif occidental alors qu’ils étaient justement les meilleurs témoins de cette tragique décennie.
Les harkis algériens de la plume, les récits qu’ils auraient dû écrire :
L’Algérie, après un peu plus de deux décennies, était sous le régime du parti unique. En février 1989, une nouvelle constitution a été adoptée. Elle instaurait un régime démocratique, autorisant un multipartisme à condition que les partis politiques ne soient pas fondés sur des critères tels que la religion, la langue, la race, le sexe, le corporatisme ou la région. Cette période a été marquée par l’émergence de nombreux partis politiques et de journaux indépendants (plus de quarante partis politiques de diverses obédiences et autant de journaux indépendants).
Parmi l’émergence de partis politiques en Algérie en 1989, l’un d’entre eux était le front islamique du salut (FIS), un parti islamiste radical financé par l’Arabie saoudite et d’autres pays arabes qui craignaient que l’instauration d’une démocratie en Algérie ne se propage dans leur propre pays.
Même si le soutien des pays arabo-musulmans aux islamistes algériens était compréhensible, étant donné leur inquiétude face à l’émergence de la démocratie en Algérie, il est regrettable que des pays occidentaux, en particulier la France, aient plutôt découragé le régime algérien à poursuivre sa démarche pour abolir cet islamisme radical naissant. Cela allait à l’encontre de leur prétention à promouvoir la démocratie dans le monde, disaient-ils.
Au cours des années 1980, l’Algérie, comme d’autres nations en développement, a connu une crise économique due à la chute des prix du pétrole et à la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt, l’obligeant à adopter des restructurations sociales et économiques drastiques.
Cela a engendré des licenciements massifs et une augmentation du chômage, en particulier chez les jeunes, ce qui a favorisé l’émergence des islamistes dès le départ.
Grâce à des manœuvres politiques et à un financement généreux fourni par l’Arabie saoudite et d’autres adeptes du salafisme djihadiste, les islamistes ont réussi à séduire les Algériens, épuisés par la crise économique, en distribuant des colis alimentaires, des soins médicaux, et même de l’argent. Ils ont mis en évidence les avantages d’un État islamique par opposition à un État républicain défaillant.
Grâce à ces actions sociales et des meetings politiques et théologiques bien orchestrés, ils finirent par obtenir une écrasante majorité électorale dans pratiquement toutes les communes algériennes lors des élections communales de 1992.
Le gouvernement algérien, conscient de l’ampleur de la vague électorale en faveur des islamistes du FIS et de ses conséquences potentielles sur sa propre survie, surtout si un changement de cap vers un État islamique était envisagé, a décidé d’annuler le deuxième tour des élections. Cette décision a déclenché une réaction virulente des islamistes, qui ont organisé des manifestations, principalement à Alger, suivi d’une persécution violente des autorités comptant de nombreux morts parmi les manifestants.
Puis, peu de temps après, les islamistes ont activé leur branche armée dormante, l’armée islamique du salut (AIS), qui sera ensuite rejointe par une autre branche plus radicale, le GIA (Groupe Islamique Armé), groupe d’obédience El Qaida du chef Ben Laden. Il est composé de 27 000 à 40 000 combattants entraînés en Afghanistan, puis infiltrés, armés et financés par l’intermédiaire de deux pays voisins de l’Algérie. Le premier craint que sa monarchie ne devienne une république, tandis que le deuxième veut étendre son leadership africain au détriment de l’Algérie.
Commence alors une guerre opposant les deux branches armées des radicaux islamistes contre l’armée nationale qui se solda par au moins 200000 tués, principalement des civils.
Trois lacunes principales des Occidentaux, et particulièrement la France, ont favorisé la naissance de cet islamisme radical se transformant en un terrorisme armé qui prendra une ampleur internationale.
La première lacune, au nom de la démocratie éternelle, la France, sous la présidence de François Mitterrand, ainsi que certains autres pays européens, ont refusé l’annulation des résultats des élections en faveur des islamistes, alors que le pouvoir algérien affirmait que ce n’était pas une violation de la démocratie, mais plutôt un mouvement d’islamistes radicaux cherchant à établir un État islamique en lieu et place des républiques non seulement en Algérie, mais par extension aux autres pays musulmans.
Le gouvernement algérien a essayé d’attirer l’attention de la France et d’autres pays occidentaux sur le danger imminent qui se profilait déjà sous le commandement du leader saoudien Ben Laden, fondateur d’El Qaida en Afghanistan, et de son prédicateur égyptien.
D’autant plus qu’à l’époque, le Groupe islamiste armé (GIA), affilié à Al-Qaida, en opérant en Algérie, débuta la révolution islamique mondiale, pivot de cette obédience. Il avait également commencé à établir des réseaux de soutien partout dans le monde, incluant les États-Unis, la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suisse et des pays arabes, comme l’Arabie saoudite ou le Yémen.
Médiatiquement, le GIA édita une publication en Angleterre nommée Al-Ansar qui revendiquait ses actions violentes commises partout en Algérie. Ces mêmes communiqués sont adressés également par fax ou par appel téléphonique à la radio marocaine arabophone Medi 1 par un homme se présentant comme le chargé des « relations extérieures » du groupe.
Selon le gouvernement algérien en place, les événements en Algérie ont fait de ce pays un premier terrain d’expérimentation pour cet islam radical djihadiste qui finira par se propager à d’autres nations, ce qui fut le cas par la suite.
La deuxième lacune, la France et les pays occidentaux ont décrété un embargo sur les armes à destination de l’Algérie au lieu de l’aider à faire face militairement à ce danger. L’Algérie s’est mise, vaille que vaille, à fabriquer ses propres armes nécessaires à sa défense pour éradiquer ce fléau sur son territoire.
La troisième lacune, pour cette mouvance islamique naissante, les Occidentaux voyaient en elle un moyen favorable de destituer les dirigeants des pays qui leur étaient hostiles, dont ils tentaient de les faire tomber sous de multiples prétextes, notamment économiques et/ou géostratégiques. Ce n’est qu’après les attentats du parking du World Trade Center en 1993, les attaques dévastatrices des tours jumelles en 2001, celles de la rue de Rennes et de Saint-Michel en France en 1995, ainsi que les attentats à la bombe de Madrid en 2004, et d’autres attaques terroristes à travers le monde, que les pays occidentaux ont réellement mesuré l’ampleur et les cibles de ce mouvement.
Finalement, l’Algérie a réussi à éradiquer le terrorisme sur son sol. Après cette décennie douloueuse, le peuple algérien a retrouvé la pratique d’un islam apaisant et paisible. Grâce à cette douloureuse expérience, il a appris à se méfier de toute tentative de déstabilisation du pays, même de la part de ses propres citoyens, manipulés par une démocratie trompeuse.
Quant au pouvoir algérien, quel que soit son dirigeant depuis, il a constitué ses propres réserves financières en prélevant systématiquement une partie de ses recettes pétrolières, pour ne plus dépendre des emprunts conditionnels du Fonds monétaire international ni de la Banque mondiale.
De plus, l’embargo sur les armes imposé par l’Occident alors que l’Algérie en avait vraiment besoin pour combattre le terrorisme a été un déclic fondamental. Cela a incité l’Algérie à se doter de véritables usines de fabrication d’armes, des plus simples, comme les fusils, les canons, les roquettes, les blindés et leurs respectives munitions, les bateaux de guerre, tels les corvettes Djebel Chenoua, les vedettes, les patrouilleurs et remorqueurs, les satellites d’observation, de la série Alsat, le satellite de communication Alcomsat-1, jusqu’aux plus sophistiqués, comme les drones militaires, dont le fameux drone Al DJAZAIR, reconnu comme l’un des dix drones militaires les plus performants au monde par le prestigieux site américain Army Technology.
Extraits du livre de l’auteur Med Kamel Yahiaoui, à paraitre au mois de février 2025.