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Le mythe algérien de la rente pétrolière :

a) Part des hydrocarbures dans les subventions sociales :

Le système de subventions en Algérie repose sur deux piliers. D’une part, les « transferts sociaux » qui permettent à tous les Algériens de bénéficier d’une éducation et de soins gratuits, ainsi que de logements extrêmement bon marché. D’autre part, des subventions aux produits et services de base, tels que le pain, la semoule, le sucre, l’huile, l’eau, l’électricité, le gaz et les transports. En 2021, le total des subventions directes et indirectes a atteint environ 5.131 milliards de DA, soit l’équivalent de 23% du PIB.

Sur la base d’un PIB de 187 milliards $ en 2021, ces subventions représentent 43 milliards $

Les ventes de pétrole et gaz de l’Algérie en 2021 étaient de 35.4 milliards $ (chiffres d’affaires sans déduction des charges de l’entreprise Sonatrach).

Si l’on compare ces chiffres à ceux des années 2022 et 2023, à critères identiques :

Le Pib de 2022 était de 226 milliards $ et les subventions à 55 milliards

Les ventes du pétrole et de gaz de l’Algérie en 2022 étaient de 68,4 milliards $ (montant brut sans déduction des charges de l’entreprise Sonatrach)

Le PIB de 2023 était de 240 milliards $ et les subventions à 52 milliards $

Les ventes du pétrole et de gaz sont de 50 milliards $ (montant brut sans déduction des charges de l’entreprise Sonatrach)

Les ratios l’indice de développement humain et l’indice de pauvreté de la Banque mondiale confirment l’impact de la politique de répartition des richesses d’hydrocarbures en Algérie, sur le plan social :

  1. Indice de développement Humain

Algérie            Maroc             Tunisie            Egypte                           0,745(1er)        0,698(4e)         73,2 (2e)          0,728(3e) Taux

93ème               120e                101e                105e Classement

2) Indice de pauvreté :

1,4%                3,9%               16,6%              29,7% %

b) Part des hydrocarbures dans le PIB algérien

On confond trop souvent les recettes en devises étrangères et la part des hydrocarbures dans le PIB national qui ont représenté en moyenne 96 à 97% des recettes en devises, avec une inflexion notable depuis 2020 ramenant ce taux à 90%.

Si l’on recalcule les PIB sans les produits du pétrole et du gaz, nous obtenons :

Année 2021 : 187 milliards $ — 35,4 milliards $ = 151,6 milliards (hors hydrocarbures)

Année 2022 : 226 milliards $ — 68,4 milliards $ = 157,6 milliards $ (hors hydrocarbures)

Année 2023 : 240 milliards $ — 52    milliards $ = 188 milliards (hors hydrocarbures)

En comparant le PIB algérien sans ressources pétrolières avec celui des deux pays voisins :

Année             DZ (normal)  DZ (sans pétrole)  Maroc      Tunisie

2021                187 Mds $       151,6 Mds $    141,8 Mds$ 46,81 Mds$

2022                226 Mds $       157,6 Mds $   130,9 Mds$   44,58 Mds$

2023                240 Mds $       188    Mds $      141,1 Mds$   48,59 Mds$

Le PIB algérien reste nettement supérieur à celui de ses voisins, particulièrement par rapport au Maroc qui dispose d’une démographie approchante.

Le tort de l’Algérie est d’avoir misé presque exclusivement sur les recettes en devises des hydrocarbures au lieu de diversifier son économie pour exporter d’autres produits que les produits énergétiques.

Cette lacune semble être comprise par le gouvernement du président Abdelmajid Teboune, qui a activé, dès la fin de la pénible période de Covid en 2020, la création de sociétés privées et publiques en collaboration avec ou sans des entreprises étrangères. L’objectif est de satisfaire les besoins de la demande intérieure pour réduire les importations et permettre d’exporter les surplus des produits algériens autres que les hydrocarbures et leurs dérivés.

Face à la nécessité de redynamiser la croissance économique du pays, l’Algérie a voté la loi de finances 2020 pour abandonner « la règle du 51/49 » pour les investissements étrangers dans les secteurs non stratégiques en maintenant l’obligation du transfert de technologie, leitmotiv de l’Algérie pour tous les investissements étrangers en Algérie.

De même, l’Algérie a encouragé les investisseurs privés algériens en leur accordant des facilités financières et des terrains gratuits pour leur implantation. L’un des secteurs les plus convoités est celui de l’agroalimentaire dans le Sahara algérien, qui devient de plus en plus vert grâce aux infrastructures d’arrosage et aux systèmes de goutte-à-goutte mis au point par les opérateurs algériens.                 

c) Les réserves de change issues des hydrocarbures :

Sous la contrainte du FMI et de la Banque mondiale, l’Algérie a été forcée, durant les années 80, de céder ses entreprises publiques et de diminuer les effectifs de son personnel pour obtenir les prêts nécessaires afin d’affronter la situation économique internationale de l’époque. Depuis, l’Algérie a mis en place une réserve de devises en dollars, pour se mettre à l’abri d’éventuelles pressions conjoncturelles.

Cela consiste à affecter une part du montant des ventes de ses hydrocarbures à une réserve de prudence en devises, calculée de la manière suivante :

En début d’année, était déterminé un prix des hydrocarbures (moyenne des prix les plus bas des années précédentes) pour couvrir les charges budgétées de l’année que nous désignons par la lettre (A)

Moyenne du prix de vente effectif de l’année que nous désignons par la lettre (B)

L’équation :

Montant total des ventes en devises de l’année (B)

  • Montant des ventes totales budgétées (A)

Affectation de la différence à la fameuse réserve de prudence.

Bon an mal an, cette cagnotte a atteint au plus haut 256 milliards $ et la dernière en date à 82 milliards $, ce qui constitue une manne non négligeable en période de vache maigre

Pour le sacro-saint prisme de l’économie libérale, selon les recommandations de la Banque mondiale, il était préconisé, à tout le moins pour la partie des subventions alimentaire, d’exclure les familles aisées. Cependant, la mise en place d’une telle restriction s’avérait techniquement compliquée.

Par ailleurs, la devise de la république algérienne stipule « par le peuple et pour le peuple », ce qui remettrait en cause la privation d’une partie de la population fusse-elle la plus aisée.

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ALGÉRIE, MAROC, SAHARA OCCIDENTAL

Irrédentisme et falsification de l’histoire

Le difficile équilibre de la France entre l’Algérie et le Maroc

Les échanges commerciaux entre l’Algérie et la France c’est 11 milliards €/an, et 13,4 milliards € avec le Maroc.

Cependant, pour les relations économiques du Maroc avec la France, il ne faut pas raisonner seulement en matière d’échanges commerciaux. Les sociétés françaises établies au Maroc ont une présence considérable : la majorité de leur chiffre d’affaires est soit intégré dans le produit intérieur brut (PIB) marocain, soit facturé par les sociétés mères en France pour leur production directement exportée depuis le Maroc. Ce qui signifie que le poids économique entre le Maroc et la France est nettement plus important qu’avec l’Algérie.

La politique économique du Maroc semble se préoccuper moins de son indépendance économique, car des entreprises étrangères sont autorisées à s’établir avec la possession complète du capital de leur propre société. En revanche, en Algérie, une société étrangère doit respecter la règle des 49/51 %, exigeant que l’entreprise soit majoritairement détenue par un investisseur algérien, public ou privé. Cette règle a été depuis la loi budgétaire de 2020 assouplie pour les secteurs économiques non stratégiques.

Par rapport à l’Afrique, la France tente, au moyen de ses sociétés au Maroc, de conquérir ou de reconquérir des marchés qu’elle a perdus ou qu’elle souhaite acquérir. Toutefois, un grand nombre de nations africaines s’éloignent progressivement de la domination française en Afrique et s’orientent plutôt vers l’exploitation de leurs propres richesses ou leur transfert à des entreprises étrangères offrant des conditions plus justes, telles que celles proposées par la Chine, la Russie, la Turquie et les échanges intra-africains.

Sur le plan géostratégique, la France implique également le Maroc dans des opérations inappropriées qu’elle jouait précédemment dans certains pays du sahel, mais n’arrive plus à maintenir son influence du passé. Certains géostratèges expliquent que leur solidarité discrète avec l’Algérie explique en partie la déconfiture diplomatique de la France avec les pays du Sahel et récemment le Sénégal, le Tchad et la Cote d’ivoire.

Certains pays africains se méfient des accointances du Maroc avec la France et Israël, son rôle de fournisseur de cannabis et de drogues sud-américaines qui finance le terrorisme au Sahel ainsi que les actions qu’il mène furtivement en faveur d’Israël, notamment d’avoir promu l’accès d’Israël en tant qu’État membre observateur dans l’Unité africaine.

Le retournement de la position de la France quant à la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, alors que sa position antérieure était conforme aux droits à l’autodétermination du peuple sahraoui conformément aux résolutions de l’ONU dont elle est membre permanent du Conseil de Sécurité.

Cette position a suscité le mécontentement de l’Algérie, dont la décolonisation des peuples est un principe intangible non seulement pour le Sahara occidental, mais avant pour avoir soutenu l’indépendance de l’Angola, du Mozambique et de l’Afrique du Sud, entre autres.

D’autres États subodorent que le Maroc, pour entériner l’annexion du Sahara occidental, soudoie des pays, menace de migration, fait du chantage à des personnalités piégées par des enregistrements vidéos compromettants lors de leur séjour au Maroc ou accorde des largesses économiques à d’autres pays. Cette attitude, que les Marocains qualifient de soft Power, n’est en réalité qu’une malsaine compromission.

L’exagération manifeste du Maroc dans la réécriture de sa propre histoire et sa détermination à diminuer celles de ses voisins 

Selon la trompeuse théorie marocaine sur la souveraineté du Sahara occidental et l’idéologie de l’irrédentisme, l’Algérie pourrait revendiquer l’annexion de la partie nord du Maroc historiquement liée à la Numidie algérienne, ou au moins jusqu’au fleuve Moulouya, qui a toujours servi de frontière naturelle. De son côté, la Tunisie carthaginoise revendiquera toute la côte du Maroc. L’alliance sénégalo-mauritanienne réclamera tous les territoires conquis par les Almoravides, la dynastie algérienne des Aldelmoumen, ceux conquis par les Almohades, et ainsi de suite.
Sachant que le Maroc, situé à l’extrême ouest du Maghreb, à moins qu’il ne soit émergé de la mer Atlantique de l’antique Atlantide, est l’émanation des peuples voisins de l’est et du sud du Maghreb. Ce n’est qu’à partir du 16e siècle que les brigands Wattassides, Saadiens et Alaouites l’ont occupé en exterminant les zaouïas, autorité religieuse de l’époque.
En matière de droit international, le peuple originaire du Sahara occidental doit se prononcer sur son autodétermination. Son représentant est le Polisario et l’organisme de l’ONU, la Minurso, est toujours là pour exercer cette mission. Le vote d’indépendance est sciemment retardé par le Maroc, l’ONU n’acceptant pas d’inclure les colons marocains de la marche verte de 1975 (350 000 colons marocains) dans le scrutin.
Par ailleurs, dans son avis du 13 décembre 1974la Cour Internationale de Justice à clairement précisé qu’il n’existe aucun lien de souveraineté territoriale du Maroc sur le territoire du Sahara occidental.
Depuis l’annexion du Sahara occidental, le Maroc s’est lancé dans une vente des ressources de ce pays, distribuant des sommes considérables en billets et menaçant de contrôler l’immigration pour obtenir des soutiens en leur proposant des intérêts alléchants. Cependant, la reconnaissance de ces pays ne changera rien, car seules les résolutions de l’ONU peuvent établir juridiquement l’appartenance ou l’affiliation du Sahara occidental au Maroc.
Pour l’antériorité historique du Maroc, les empires Almoravides, Almohades et même les Mérinides ne sont pas des Marocains, mais des conquérants du Maroc qui leur a servi de pont pour conquérir la péninsule ibérique et Malte également. Prétendre qu’ils sont des empires marocains est la pire des supercheries.
Le premier état marocain d’IDRISS 1er, claironné par les Marocains, est une hérésie, il n’occupait qu’une partie de l’Est marocain, trois autres royaumes occupés le Maroc en même temps ( les royaumes de Nekor, Sijilmassa et Tamesna) jusqu’en 1078, alors que la dynastie Idrissite a été destituée en 985.
Si l’on considère cela comme un État, le Royaume de Kairouan, en Tunisie, à partir de 690, serait le premier État maghrébin. L’Algérie aurait été le deuxième État, grâce au royaume Rostémides de Tahert, fondé en 761, soit longtemps avant l’avènement d’Idris 1er au Maroc, en 791.

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L’Algérie et ses immigrès, décidément

Un de mes lecteurs, un vieil Algérien résidant en France, en attendant tout ce brouhaha politico-médiatique à propos de l’Algérie, me confia, la moustache tremblante :

Assieds-toi, car ça va être long, me dit-il avant de commencer.

  • Je ne comprends plus les Français d’aujourd’hui. De mon temps, quand on parlait d’un Algérien, on lui demandait sympathiquement pourquoi il ne buvait pas d’alcool, pourquoi il égorgeait le mouton de l’Aïd ou pourquoi on lui coupait un bout du zizi.
  • Il répondait fièrement : l’alcool, ce n’est pas bien pour la santé et ça fait faire des bêtises, on égorge le mouton en reconnaissance du sacrifice de notre ancêtre Abraham et le zizi, c’est une question d’hygiène, d’ailleurs du temps de Jésus, les chrétiens se coupaient aussi un bout du zizi.
  • En politique, le grand Charles et ses collaborateurs avaient le sens des mots, ils respectaient poliment leurs adversaires, leurs positions face aux problèmes étaient justes et équilibrées.
  • Cela m’écœure de voir ces charlatans politiciens d’aujourd’hui, prêts à vendre leur âme et leur honneur pour un avantage politique de leur parti, auquel, trop souvent, ses dirigeants adhèrent plus par intérêt et ascension personnels que par idéologie et leur flexibilité à aller d’un parti à l’autre le prouve bien d’ailleurs.
  • Ce n’est pas seulement le bourreau de la guerre d’Algérie qui est devenu célèbre grâce à sa phrase « un détail de l’histoire » qui a fondé un parti d’extrême droite avec les partisans de l’Algérie française et les membres de l’OAS, une organisation criminelle en Algérie qui n’a épargné ni les Français ni les Algériens. Son parti excelle dans le racisme. Ses héritiers et leurs concurrents, encore plus virulents, sèment aujourd’hui la discorde entre les Français de souche ou d’adoption et propagent des idées sciemment trompeuses.
  • Je vais vous faire un compte moi aussi, contrairement à ceux que claironnent ces partis de l’extrême droite, de la droite et alliés à propos de l’Algérie.

Mohamed, commença à me citer des chiffres aussi précis qu’un comptable, que je reprends ci-dessous :

875 MILLIONS € de remise consentie à la France sur la vente du gaz algérien chaque année.

Je déduis -140 MILLIONS de l’aide au développement que verse la France à l’Algérie.

Je déduis – 150 MILLIONS € pour payer les frais de soins d’environ 2 000 algériens par an qui se soignent en France.

ZÉRO FRAIS pour les RSA, les allocations et autres aides sociales, largement payés par les prélèvements sociaux sur les salaires des Algériens qui travaillent en France.

Il reste donc 585 MILLIONS € en faveur de la France, mais que l’Algérie perd chaque année.

Vous allez me dire, la France n’a qu’à acheter son gaz ailleurs, sauf qu’elle perdra les 875 millions € et payera encore plus cher son gaz alors que l’Algérie gagnera ces 875 millions et vendra son gaz à un prix plus favorable sur un marché porteur.

Citons maintenant les pressions préconisées contre l’Algérie aussi incongrues qu’insensées :

  1. Suppression des visas pour les Algériens :

Les Algériens ont des relations cordiales et apaisées avec l’Italie et l’Espagne qui leur délivre deux fois plus de visas Schengen leur permettant de visiter leurs familles en France. La France ne peut s’opposer au risque de contrevenir aux accords de l’Union européenne.

  • Saisir les biens et avoirs des Algériens en France

D’abord, cette procédure est régie par le droit international. La France ne peut donc pas la faire à sa guise, même si l’Algérie peut à son tour saisir les biens et avoirs des 600 entreprises françaises implantées en Algérie.

  • Suspendre les transferts d’argent des travailleurs algériens :

La France aura du mal à justifier cette décision au regard du droit international. D’autant plus que les salariés algériens rigoleraient sournoisement, car le reste de leur salaire, lorsqu’ils partent régulièrement au pays, est dépensé en cadeaux pour leur famille.

Comparativement, les Algériens transfèrent moins de 1 milliard € alors que les Marocains en sont à 11 milliards. De surcroît, comme dit l’adage « Les ennemis de nos ennemis sont nos amis », le Maroc étant injustement ennemi de l’Algérie, faire un sale coup à ses amis n’est pas saint.

  • Les voyages sans visa des dirigeants algériens

Dérogation accordée aux dirigeants algériens en 2013 compensée par des avantages accordés par eux-mêmes à la France.

Cela est effectivement possible au risque d’envenimer encore plus les relations franco-algériennes, s’agissant de personnes décisionnaires dans la sphère du pouvoir.

  • Un jeu de boomerang Franco-Algérien qui empeste les relations :

La France reproche à l’Algérie d’exploiter, pour des raisons de politique intérieure, l’histoire mémorielle de la colonisation. À son tour, l’Algérie critique la France d’instrumentaliser une algérophobie à des fins de politique intérieure. Elle cherche à minimiser la sympathie envers l’extrême droite, qui compte une importante communauté de Français d’Algérie, de harkis et de leur descendance, ainsi que des familles touchées de près ou de loin pendant la guerre d’Algérie, telles les familles du 1,5 million de soldats qui ont participé à la guerre de l’Indépendance algérienne de 1954 à 1962.

Édito : Massine TACIR, Écrivain Essayiste

Consulter les ouvrages de l’auteur : https://www.dzbiblio.com

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ALGÉRIE – FRANCE, le début 2025, n’atténue pas, mais aggrave les conflits

Une abondance de critiques de toutes les sphères politiques s’enchaîne à propos de l’Algérie. Si les politiques et médias savent ce qu’ils distillent dans leurs déclarations et les avantages politiques qu’ils escomptent en tirer de cette compagne inédite, cela aurait été de bon aloi en compagne électorale; or, ce n’est précisément pas le cas.

Nous savons qu’entre les deux pays, eu égard au passé colonial douloureux, des frictions de part et d’autre n’ont cessé de se produire, pour de multiples raisons, depuis l’indépendance de l’Algérie, et ce, bien plus qu’avec les autres pays décolonisés. D’ailleurs, on relève souvent deux griefs récurrents. D’une part, la France reproche à l’Algérie d’exploiter, pour des raisons de politique intérieure, l’histoire mémorielle de la colonisation. En outre, l’Algérie critique la France pour avoir instrumentalisé l’algérophobie à des fins de politique intérieure, en cherchant à minimiser la sympathie envers l’extrême droite, qui compte une importante communauté de Français d’Algérie, de harkis et leur descendance, ainsi que des familles touchées de près ou de loin pendant la guerre d’Algérie, telles les familles des 1,5 million de soldats qui ont participé à la guerre de l’Indépendance algérienne de 1954 à 1962.

Dans les sources de conflits principalement évoquées par la France contre l’Algérie, l’on trouve pêle-mêle l’histoire mémorielle de la colonisation, les accords d’Évian relatifs à la présence des Algériens sur le territoire Français, le problème des écrivains algériens et tout dernièrement le problématique cas des influenceurs algériens sur les réseaux sociaux.

À mon avis, de part et d’autre, cette « ratatouille » diplomatique cache des objectifs inavoués d’ordre économique, géostratégique et d’influence sur le Maghreb et le continent africain. La France, en perte de vitesse sur son empire colonial qu’elle perçoit toujours avec nostalgie, et une Algérie de plus en plus mature qui gagne subrepticement de l’influence dans nombre de pays qui était le précarré inviolable de la France.

Et le plus étrange, c’est que ce type de conflit, dans la majorité des cas, entre États, se règle discrètement par des ballets diplomatiques entre les belligérants.

Essayons de décortiquer les prétextes « parapluie » de la France, repris par l’ensemble des politiciens et médias, comme par consensus, contre l’Algérie et les répliques argumentaires de cette dernière :

  1. La reconnaissance de l’autonomie du Sahara occidental au Maroc :

Malgré les controverses qu’entretient le Maroc à l’égard de l’Algérie, la position de cette dernière sur le dossier du Sahara occidental n’est nullement équivoque, à savoir :

  • L’Algérie se réfère aux résolutions de l’ONU qui prévoient l’autodétermination du peuple sahraoui ; en l’espèce, un droit légitimement reconnu par l’instance internationale légalement compétente.
  • L’Algérie accueille sur son territoire les réfugiés sahraouis en vertu de la protection des populations en période de guerre, préconisée par l’ONU et le Comité international des réfugiés que doivent assurer les pays voisins des belligérants.
  • La prétention présumée de l’accès à l’atlantique de l’Algérie via un Sahara occidental indépendant est un argument faux dès lors que l’Algérie dispose déjà d’un accès sur l’atlantique, par le détroit de Gibraltar, quasiment équidistant.

L’Algérie a effectivement condamné la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara espagnol par la France, d’autant qu’elle avait jusqu’ici une position conforme aux résolutions de l’ONU quant à la légitimité du droit du peuple sahraoui. Cette reconnaissance qui n’a probablement pas une implication de droit international, puisque seule l’assemblée des Nations Unies peut légiférer pour l’affiliation de ce territoire au Maroc.

Cette position française, bien que motivée davantage par des intérêts économiques, a été perçue par Alger comme une offense aux droits légitimes des Sahraouis, même si les rivalités entre les États algérien et marocain, dont la France n’arrive pas à trouver un juste équilibre, n’ont pas été écartées.

  • – La liberté d’expression et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien BOUALEM SANSAL

Côté français, on évoque une atteinte à la liberté d’expression de l’auteur, un virulent opposant au pouvoir algérien, qui a été arrêté parce qu’il critiquait le régime depuis la France, où il venait tout juste d’obtenir la citoyenneté.

Côté algérien, cela ressemble à une vraie compagne de désinformation et de dénigrement de l’Algérie et son gouvernement. C’est surtout la mobilisation politico-médiatique en faveur de l’écrivain Boualem Sansal, dont la renommée littéraire est relative, qui interpelle les Algériens. On peut la comparer à la mobilisation mondiale en faveur de l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne dans les années soixante-dix.

Cette approche conforte d’autant plus les Algériens lorsqu’ils s’aperçoivent que Boualem Sansal entretenait des relations amicales avec les membres et alliés de l’extrême droite française, notamment des instances juives et qu’il était en contact constant avec Monsieur Xavier Driancourt, ex-ambassadeur de France, non seulement en France, mais déjà du temps où il exerçait sa fonction à Alger.

Compte tenu du fait que la plupart des ambassadeurs de France à Alger ( Mss. BAJOLET, EMIE) ainsi que monsieur Xavier Driancourt étaient d’anciens chefs de la DGSE, le service de renseignement, et qu’ils entretenaient des liens avérés avec les opposants algériens, cela n’a fait qu’accroître la méfiance des Algériens.

Les critiques françaises se focalisent sciemment sur une arrestation au motif de ses écrits, à son retour en Algérie ; or, Boualem Sansal habite en permanence dans la périphérie d’Alger, il a toujours critiqué verbalement et par écrit le pouvoir à l’intérieur même du pays sans être inquiété pour autant.

Les raisons véritables que les Français occultent, bien qu’ils les connaissent, sont que Boualem Sansal a été arrêté pour des délits punissables par les lois algériennes, notamment l’atteinte à la souveraineté territoriale, en raison de ses déclarations dans une chaîne de l’extrême droite française. Ces lois sont, en quelque sorte, des lignes rouges à ne pas dépasser, semblables aux lois françaises relatives à la Shoah ou l’apologie du terrorisme.

c)- Les influenceurs algériens et le cas de l’un d’eux Doualemn

Le cas des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui jouissent du droit à la liberté d’expression, même s’ils outrepassent parfois ce droit, est souvent utilisé pour servir des intérêts politiques et/ou sociaux. Toute obédience politique confondue a judicieusement profité, dans le passé comme au présent, pour contourner une loi ou en instaurer une autre, propager une opinion ou contrer une autre.

L’influenceur algérien, Doualemn, a été expulsé de France vers l’Algérie sans que la justice française ait statué sur son cas. Les autorités algériennes considèrent cela comme une violation des procédures et exigent qu’il soit renvoyé en France pour y être jugé pour des actes proportionnels à son délit. Corollairement, l’intéressé est interdit de séjour en Algérie au titre d’une précédente condamnation par la justice algérienne.

Certes, le ministre de l’Intérieur ou le préfet disposent de cette prérogative, mais dans des cas strictement encadrés par la loi.

Médias et politiciens, hormis quelques juristes, ont crié au scandale du fait que l’influenceur algérien disposait d’un passeport biométrique valable et qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation de l’ambassade d’Algérie pour son expulsion. Ils ont associé son cas, par ignorance ou intentionnellement, à celui d’un délinquant sous OQTF.

Ensuite, l’expulsion de cet influenceur algérien a été exercée au titre d’un texte de la nouvelle loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 qui ne correspond pas à la réalité des faits et qui stipule :

La mesure d’expulsion peut être prise lorsque la présence d’un étranger constitue une menace grave ou très grave pour l’ordre public, la sécurité publique, ou la sûreté de l’État, la décision est prise par le préfet ou, dans certains cas, par le ministre de l’Intérieur. L’expulsion est possible sans délai si l’urgence absolue est invoquée.

Or, considérer son délit de « menace grave ou très grave pour l’ordre public », au sens de cette loi, pour une habituelle menace verbale ne constitue pas une véridicité dès lors que ce type de menaces sont fréquemment proférées par les utilisateurs des réseaux sociaux sans encourir des sanctions d’une telle ampleur.

À l’inverse, caractériser faussement son délit prive l’intéressé de ses droits au titre de la même loi qui rend inexpulsable les étrangers dans son cas, à savoir :

  • Résident en situation régulière en France depuis plus de 15 ans
  • Marié à une Française et père de deux enfants également de nationalité française

Edito: Massine TACIR, Ecrivain, Essayiste

Consulter les ouvrages de l’auteur : https://www.dzbiblio.com